Lorand Hegyi, 2018

Anya Belyat-Giunta strange, eccentric faces and figures are disturbing embodiements of dream-like hallucinations, which reflect deep, often hidden memories, projections, imaginations, unsupportable experiences and emotional crises. The narrative of Anya Belyat-Giuntas drawings shows an anecdotique richnese and contextualizes her imaginary in literary, poetic mico-cosmos.

 

LORAND HEGYI, 2018

Les visages étranges et les figures excentriques d' Anya Belyat-Giunta prennent corps sous la forme d' inquiétantes incarnations, d'hallucinations oniriques, qui sont le reflet de mémoires profondes, souvent cachées, projections, imagination, expériences insupportables et conflits émotionnels. La narration dans les dessins d' Anya Belyat-Giunta dévoile une richesse anecdotique et contextualise son imagination dans le microcosme littéraire et poétique. 

Amélie Adamo, Avril 2018

J'ai rencontré l'oeuvre d' Anya un peu comme on rencontre une âme soeur. Avec évidence. Sans un mot, éprouver chaque ligne, chaque souffle, chaque vide. Imaginer un à un chacun de ses gestes. Aimer les regarder en silence. Et déceler derrière la vie qui y habite. Elle et moi, nous partageons sans aucun doute les aspirations d'une même génération de femmes qui ont refusé de choisir  une carte plutôt qu'une autre dans le jeu de leur être. Enfant, Amante, Créatrice, Mère. Nous avons tout voulu en cherchent à s'accomplir, non sans difficultés et avec beaucoup de doutes. Au risque des tiraillements et des échecs.

Elle et moi, nous partageons sans aucun doute le même jardin au fond. Jardin noir d'une génération définie par la guerre. Exil, famine, déportation, non dit, torture, humiliation, peur. Que de voyages au bout de la nuit? Que de fantômes avons-nous porté en héritage ? Il a fallu les écouter let les apprivoiser. Nous avons trouvé dans la nécessité de l'écriture ou du dessin un chemin de survie.

C'est dans ce terreau d'ambivalences qu'a germé le travail d' Anya, ses sujets, sa forme. Et ce n'est pas un hasard qu'elle navigue toujours en lisière, au bord du désir et des peurs, sans jamais arrimer. Entre le réel et le mythe, le passé et le présent, la matière et l'invisible, le fourmillement et le vide, le mot et le figuré, elle trace une ligne-mirroir ou l'inconnu se reflète en visages mouvants.

Collection sur la Route, Galerie Céline Moine

ENTRETIEN AVEC AMELIE ADAMO

A l'atelier, Anya ne vous parlera pas beaucoup. Vous regarderez simplement. Mille créatures s'agitent. Elles n'existent pas ces bestioles. Elles viennent d'un autre temps. Et portant elles sont là, qui vous suivent. Invisibles. Que vous les quittiez ou bien fermiez les yeux, elles vous habitent. Invisibles. Les entendez-vous chuchoter ? Les sentez-vous venir ? Vous envahir, vous sauter au visage, vous tirez les paupières, vous percer la peau, vous attirer ailleurs, dans leurs profondeurs secrètes ? Et puis plus vous plongez la tête pour les suivre, pour mieux voir, plus vous frissonnez par tous les bouts. Et puis vous les suivez, pour mieux sentir, plus leurs corps s'ouvrent à vous en une terre refuge.

“Les Silences Habités d'Anya Belyat-Giunta”, Art Absolument, Jan-Fev 2015

Jean-Paul Gavard-Perret

L'univers d’Anya Belyat-Giunta ouvre un espace mental et physique particuliers. II crée une série de connexions, de rapports dans lequel à la fois l’image fait masse mais où la matière éclate en une série de « métaphores ». Le regard s'y éprend, réapprend à voir, se surprend à une contemplation paradoxale (jouant par exemple sur les renversements des notions de grand et de petit, de dehors et de dedans en des formes charnelles et leur inversion figurale).

L’artiste feint de passer d'un reflet à l'autre. Son il vise l'objet, son regard la chose dans une œuvre qui ne cesse d'inscrire une extra-territorialité au sein même de la chair. Anya Belyat-Giunta subverti les notions habituelles de beauté en jouant de l’envers et l’endroit, de la matière peinture et de la « viande ». La dimension d'un manque et d'un trop plein est donc au cœur de la postulation plastique comme si soudain la libido possédait non seulement des métamorphoses mais des trajectoires là où le réel et l'imaginaire ne forment plus de discrimination pertinente. L'artiste offre un voyage par la force de l'imaginaire qui vient en contre coup se réfléchir dans le réel. Tout se passe en une telle œuvre comme si imagination et réalité devenaient deux parties juxtaposables, superposables d'une même trajectoire ou encore deux faces qui ne cessent de s'échanger. Il y a donc un itinéraire nomade et un voyage en rêve. L'imaginaire devient une image virtuelle qui s'accorde à l'objet réel pour constituer ce que Deleuze nomma "un cristal d'inconscient". L’œuvre est faite de ce doublement ou plutôt ce dédoublement. Et c'est dans les cristaux de l'inconscient que se voient les trajectoires de la libido.

 

JULIETTE NOTHOMB NOV 2014

La fantasmagorie d’Alice au Pays des Merveilles, la folie débridée des Mille et une nuits, il y a bien sûr de cela dans les dessins d’Anya Belyat-Giunta ; mais aussi, tellement plus ! Le trait qui démarre résolument pour se perdre ensuite dans des méandres incertains ; la couleur qui paraît franche mais qui s’estompe sans crier gare ; le début qui semble s’acheminer vers une fin qui n’en est pas une ; le violent qui s’évanouit dans l’humour : tout ce caractère ravit et déconcerte à la fois, parlant à un quelque part au fond de nous en faisant rebondir une réminiscence ou une sensation. Un plaisir d’abord visuel, sensitif voire épidermique, en perceptions successives.

Julie Esteve, 2011

 …They seem to snigger. They seem to amuse, sometimes hiding behind mountains of hair, these Anya Belyat-Giunta’s tiny women. They are tiny chimaeras, tiny indecent ogresses, regressive, indiscreet, inventing a dance, a strange, intimate ballet […] Anya's world is slippery, unstable as a dream, as a wave of desire and chaos.

 

Julie Estève, 2011 

...On dirait qu’elles ricanent. On dirait qu’elles s’amusent ou qu’elles se cachent parfois, derrière des montagnes de cheveux, les petites femmes d’Anya Belyat- Giunta. Des petites chimères, des petites ogresses qui, impudiques, régressives, indiscrètes inventent une danse, un ballet intime, étrange. Avec leurs talons aiguille, leur rouge sur les lèvres, leurs bas résille, leurs coiffures de gamines, avec, aussi, leur longue barbe bleue, rousse, leurs cornes, leurs queues de loup, leur tête d’ours, les demoiselles s’arrangent avec les sexes, le genre.
Elles sont des compositions, des confusions, des alliances. Elles sont les mythologies d’Anya. Elles croisent les délires d’Alice, les oreilles des lapins, le nez de Pinocchio et toutes les folies des contes enfantins. Souvent, le sang coule des cuisses, des culs et les bouches offrent un sourire plein de dents, un rire fou qui déforme les visages.

Le monde d’Anya est glissant, chancelant, comme un rêve, comme une vague, de désir et de désordre. C’est un carnet intime, une confession où l’extrême féminin se regarde en cachette, à l’abri et se remue, dans tous les sens, dans tous ses besoins, où l’imaginaire ne retient ni ses tentations, ni ses fantasmes. Elles, les petites dames et eux, les animaux de compagnie, les bestioles, des chiens, des choses poilues, des jouets errants, traversent le papier comme un geste de caresse et une paire de claque.
Anya met au monde, des obsessions, des créatures, des fantaisies. Son trait est précis, précieux, imprudent. Son trait est un coin défendu, si provocant, si familier. Il est un refuge, une forme pure pleine de vertiges, de secousses et de fièvre où les récits sont imprécis et brûlent les politesses, les scandales intimes. La découverte de l’éros est un jeu carnassier, une récréation, une fête dangereuse, avec des grimaces, avec des caprices et des impudences.

Et ça met les doigts dans la bouche et ça bave, ça pisse, ça écarte les jambes et ça tire la langue. Ça circule, ça heurte, ça s’étire souvent et puis ça fait des bêtises, suggestives, des jeux de corps, de cochon. Comme des poupées que l’on tire par les cheveux, que l’on maquille outrageusement, à qui l’on coupe parfois la tête et que l’on invente autrement.
Les héros et les héroïnes d’Anya sont capables de tous les airs, les accords, les écarts et les tremblements. Ils ont choisi l’incorrect mais s’affichent, s’exhibent, spontanés, libres, instinctifs, avec la même candeur qu’ un enfant, sans contrôle, sans retenue. Il y a des rires, des crises, des nerfs, et puis des trêves et de la tendresse. Comme dans un manège, tout s’agite, tout se trouble et se bouscule, les corps et les sens. Les dessins d’Anya racontent des petites histoires intimes, des moments privés, des hallucinations délicates.
Ils ressemblent à de fragiles mirages, à la fois très proches et très lointain. «Si le monde n’a vraiment aucun sens, qui nous empêche d’en inventer un ? » disait l’Alice de Lewis Carroll